dimanche 22 janvier 2017

Quatorzième bonbon

Des coups de marteaux et de scie secouaient toute la maison depuis l’aube. Agacé, Nox quitta la chambre d’ami qu’on lui avait donné pour se réfugier à l’extérieur. Dans le jardin tropical, entouré de buissons en fleurs, un hamac tendu entre deux palmiers lui tendait les bras.
Pas un poil, une plume ou un sabot à l’horizon. Nox s’étira de tout son long et croisa les jambes pour se caller comme il le fallait. Les bruits des réparations étaient beaucoup moins forts ici, étouffés par le roulis de la mer, toute proche. Il irait peut-être piquer une tête, quand le soleil serait moins fort. Ici, à l’ombre et dans la brise marine, tout était parfait. Il tendit la main pour récupérer le cocktail de fruit frais que lui tendit l’un de ses tentacules.
Il n’avait plus croisé personne depuis son petit accrochage de la veille. Mordigann avait semble-t-il décrété un couvre-feu. Ou bien tout le monde restait terrorisé dans sa chambre, il ne savait pas trop. Il avait d’abord eu peur de s’ennuyer, mais après tout, un peu de paix ne faisait pas de mal. C’était précisément pour ça qu’il s’était enfin décider à rentrer à la maison. Pour prendre quelques vacances, à l’abri. Personne ne penserait à venir le chercher ici.
Il allait leur laisser encore quelques heures de paix, avant de retourner les hanter. Cette petite saleté de croque-mitaine au rabais qu’avait engagé son frère ne serait sans doute plus un problème, maintenant qu’il savait qu’il n’était plus un intrus. Dire qu’il avait pris la peine de trouver un golem en perdition, pour lui retourner la cervelle et l’envoyer ici. Nox soupira et tendit le bras pour reposer son cocktail dans le vide. Du coin de l’œil, il vit une longue tige noire le reposer en sécurité sur un tronc d’arbre coupé.
Son petit subterfuge lui avait au moins fait gagner quelques heures de tranquillité, avant que Driss ne finisse par sortir. Ses faits et gestes seraient sans doute beaucoup plus surveillés, maintenant.
Et peut-être même plus tôt qu’il ne le pensait.
Nox redressa la tête pour jeter un regard ennuyé à l’individu qui s’approchait de lui. Quatre pattes, un poitrail massif et des cheveux blonds.
C’était bien sa veine.
– Toi, c’est... Bernabé, c’est ça ?
Il se rappelait du centaure poli et souriant qui l’avait accueilli la veille à la pâtisserie. Nox plissa les yeux à la recherche du moindre signe d’amabilité, mais ni les poings crispés, ni les sourcils froncés du centaure n’avaient l’air aimable. Sa queue fouettait l’air pour chasser des mouches imaginaires.
– Je peux faire quelque chose pour toi ?
Le centaure pointa vers lui un index menaçant.
– Ne t’approche pas de Lotis.
– Pardon ?
Il fallut un petit moment à Nox pour se rappeler qui était ce Lotis. Il était perdu, au milieu de tous les pensionnaires. Pour lui, ils se ressemblaient tous. Des créatures lubriques aux corps parfaits.
– La sirène, c’est ça ? finit-il par tenter.
– Ne fais pas l’innocent. Je vois clair dans ton jeu. Tu as déjà goûté à Flocon et Aello, ça m’étonnerait qu’ils t’intéressent encore. Purr et Laè ne te laisseront pas approcher, et si tu t’en prends à Inari, Driss te le fera payer. Il ne reste que Lotis.
Nox n’avait pas vu les choses sous cet angle. Il croisa les bras derrière sa tête, avant de happer la paille de son cocktail pour en avaler une gorgée. Bernabé recula précipitamment en voyant un tentacule s’agiter tout près de ses pâtes pour garder le verre en l’air.
– Il reste toi, aussi, dit Nox en relâchant sa paille.
Bernabé faillit ruer en arrière, effrayé par son sourire carnassier comme il l’aurait été par une abeille.
Mais s’ils ne pensaient pas à la même finalité, l’argumentaire du centaure se tenait. Vu la façon zélées dont ils l’avaient accueillis, ni la harpie ni la fée ne seraient des choix judicieux à faire. Trop prompts à se jeter dans ses tentacules. Les autres n’étaient pas des options envisageables, ni par les lignes du contrat, ni par un raisonnement censé.
Nox eut soudain envie de grimacer. Est-ce qu’il n’avait vraiment le choix qu’entre une petite sirène aventureuse et un centaure cuisinier ?
La poisse. Il allait devoir revoir sa stratégie, et peut-être passer un peu plus de temps à la maison Fancy Candies, pour mieux connaître les pensionnaires.
– Ne t’en fais pas, va. Je ne comptais pas grignoter ta petite sirène aujourd’hui.
Nox redressa la tête, un sourire narquois aux lèvres.
– Mais tu devrais filer. Tu vas être en retard pour la petite réunion secrète dans le grenier.
Bernabé cligna des yeux plusieurs fois avant de se renfrogner. Il finit par tourner les talons, sous le regard goguenard de Nox, qui put enfin profiter de la solitude pour finir son cocktail.



– Il est au courant, dit Bernabé en refermant la trappe derrière lui. Il sait qu’on est en train de se réunir pour parler de lui.
Ses sabots faisaient trembler le plancher du grenier. Il trouva une place tout près de Lotis et d’Aello, au milieu des caisses en bois et des malles poussiéreuses.
– Ce n’est pas important.
Debout devant ses pensionnaires assis en arc de cercle, Mordigann fourra les mains dans ses poches. Driss et Elendil étaient assis tout près de lui. Les autres leurs faisaient face, beaucoup plus méfiants. Le centaure était le dernier arrivé, le temps pour lui de se hisser péniblement par la trappe sous les combles. Inari alluma quelques bougies de plus pour éclairer leur réunion, avant de retourner s’asseoir parmi ses camarades.
– Alors comme ça... tu es aussi un croque-mitaine ? demanda Bernabé d’un ton suspicieux.
Driss ramena les genoux vers lui en poussant un soupir agacé.
– Ça va, comme si vous ne vous en doutiez pas. Franchement, qui n’était pas encore au courant, ici ?
Les pensionnaires échangèrent un court regard. Puis, excepté Mordigann et Inari, ils levèrent tous la main de concert, y compris Flocon, dans son bocal. Même son golem le fixait maintenant d’un air intimidé.
Driss se racla la gorge pour faire reculer la gêne qui était en train de lui cuire les joues.
– Bon, d’accord. Mais ça change rien. On a eu des pensionnaires beaucoup plus dangereux. Vous n’avez jamais eu peur du patron, non ?
Mordigann ne préférait pas réagir au silence gêné qui lui répondit. Bien sûr que si, ils avaient la trouille de lui, chacun à des degrés différents. On ne vivait pas sous le même toit qu’un ogre en toute indifférence. Seulement, chacun à leur manière, ils étaient tous au moins aussi dangereux que lui.
– Mais, Driss, t’as jamais mangé personne, dit Purr d’une toute petite voix.
– Parce que je mange pas les personnes, répondit ce dernier en haussant les épaules. Lui non plus, d’ailleurs. Je suppose.
– Qu’est-ce que vous mangez, alors ? demanda Lotis d’un ton vaguement anxieux.
Près de lui, Aello entreprit de lisser ses plumes avec beaucoup trop de zèle. S’il savait quelque chose, et avait sans doute déjà fréquenté des créatures comme Nox, il préférait apparemment se faire oublier de ses camarades. Mordigann se dit que c’était une sage décision, pour une fois.
– C’est compliqué à expliquer. Disons que moi, je me nourris des émotions négatives. Ça doit être la même chose pour lui. Peut-être qu’il se nourrit de la peur, ou des cauchemars, une fois qu’il a affaibli ses victimes.
– Tu veux dire que tu n’en es pas sûr ? demanda Lotis d’un ton surpris.
Driss haussa les épaules.
– Nous ne sommes pas la même sorte de croque-mitaine...
Des murmures étonnés accompagnèrent sa réponse. Un peu inquiets, peut-être, d’apprendre qu’il y avait dehors des créatures dont même eux ne savaient rien.
– Parce qu’il y en a plusieurs sortes ?
– Il y a bien plusieurs sortes d’elfes et de fées. Appelle ça une race ou une ethnie, comme tu veux. Certaines espèces portent le même nom et ne peuvent pas se reproduire entre elles. Et d’autres se font appeler différemment alors qu’ils sont exactement pareils. Je suis peut-être plus proche des vrai efrits que je le suis de Nox.
Dans la pénombre, alors qu’il n’avait rien dit à personne depuis le début, le golem eut soudain l’air tout à fait satisfait.
– Nox Mordigann, répéta Bernabé pour lui-même avant de lever les yeux vers leur patron. Alors, c’est qui pour toi ? C’est ton... frère ?
Ah. Ils y étaient. Mordigann cessa de faire les cent-pas sous les combles et se campa sur ses deux jambes pour faire face au petit cercle. Il fourra un peu plus les mains dans ses poches, l’expression fermée.
– Demi-frère. Nous n’avons que le même père. Mais c’est ma mère qui l’a élevé. La sienne n’avait pas vraiment la fibre maternelle.
Plusieurs paires d’yeux écarquillées se croisèrent à la lumière des chandelles.
– Et qu’est-ce qu’il est venu faire ici, exactement ? Il a des droits sur la maison ?
Laè était le seul qui gardait la tête froide, caressant la tête d’un Purr ronronnant dans ses bras. Peut-être parce qu’il n’était plus vraiment concerné par tout ça. Qu’il ne l’avait jamais vraiment été.
Les mots eurent du mal à passer la mâchoire serrée de Mordigann. Il sentit le regard d’Elendil se lever vers lui, comme pour le soutenir en silence par la force de ses prunelles turquoise.
– Juste sur le terrain. Et sur la pâtisserie. Il m’a cédé sa moitié par contrat quand j’ai fait construire le reste de la maison.
Il y eu un murmure soulagé parmi l’assemblée. Sauf Laè et Driss, plus clairvoyants que les autres, ou peut-être plus concentrés sur leur sécurité à long terme que sur l’instant présent.
– Et en échange de quoi, est-ce qu’il te les a cédés ? demanda le faux efrit d’une voix posée.
Driss avait accepté d’être le protecteur de la maison sans jamais demander contre quoi il devait la défendre. Trop heureux d’avoir trouvé un endroit où rester, lui qui était considéré comme un nuisible, tout juste bon à être vendu comme esclave au marché noir. Il n’était pas au courant du pacte, même s’il devait sûrement soupçonner quelque chose.
Mordigann prit une respiration profonde. Il n’aimait pas sentir toutes ces paires d’yeux braquées sur lui. Il n’y avait que ceux d’Elendil qui lui étaient nécessaires.
– Tous les dix ans, je devais lui donner celui des pensionnaires qui rapportait le moins.
Un silence aussi épais que de la confiture s’installa dans le grenier. Il y eut des gorges nouées, des regards effarés, des sourcils froncés, mais absolument aucun mot, pendant un très long moment. Excepté Driss. Il était aussi un croque-mitaine, après tout. Il n’aurait pas proposé un contrat pour moins que ça, et fit mine de regarder ses ongles pour fuir les œillades interloquées de ses camarades.
Mordigann leva les yeux au ciel. Il aurait préféré des hurlements et des menaces de mort, plutôt que l’ahurissement généralisé de ses pensionnaires.
Laè était de loin l’un des plus calmes. Il devait pourtant réaliser qu’il avait failli être au menu du croque-mitaine. Il ne le dévisagea qu’un court instant, le visage lourd de reproche, comme s’il lui en voulait en silence d’avoir essayé de le sauver lui, et pas les autres. Puis il lança des coups d’œil prudents à ses camarades, pour être bien sûr que la pilule commençait à passer.
– Mais ça fait plus de dix ans que la maison existe. Et il n’avait jamais rien réclamé avant.
Sa question, calme et posée, réveilla les murmures intrigués.
– C’est parce que vous ne l’intéressez pas, les coupa Mordigann.
Les pensionnaires échangèrent des regards surpris, se demandant s’ils devaient être vexés ou surpris par cette affirmation franche de la part de leur patron. Driss pris la parole avant qu’ils ne puissent trancher.
– On ne fait pas partie de son régime alimentaire. On travaille tous ici de notre plein gré. On a tous choisi le métier d’hôte et si la maison fermait, on galoperait hors d’ici pour en trouver une autre.
Le faux efrit se redressa en se frottant le crâne.
– Ça fait longtemps qu’aucun de nous n’est plus pur et innocent. Peut-être même que les clients de la maison le sont plus que nous.
Il y eut plusieurs réactions similaires parmi les pensionnaires. Certains baissèrent les yeux, se grattèrent l’arête du nez, se raclèrent la gorge avec un peu de gêne. Il n’y avait que Laè qui ne se sentait pas embarrassé, serrant dans ses bras un Purr rouge écrevisse.
– C’est pour ça que je voulais m’en aller, répondit le Selkie. Ce n’est pas dans ma nature d’exploiter la solitude des gens.
Il semblait se retenir de parler du reste. Les pensionnaires ne mettaient que quelques clients dans leurs lits, contre de l’argent et quand ça leur chantait, et ce n’étaient que des personnes qu’ils auraient tout fait pour attirer dans leurs draps s’ils les avaient rencontré en dehors de la maison.
– Je sais, répondit Mordigann. Et j’avais peur que sentir cette amertume grandir en toi ne finisse par l’attirer. Nox est un croquemitaine. Il aime corrompre la bonté, dévorer la pureté et l’innocence. Je sais qu’il a toujours surveillé de loin la maison, alors je me disais qu’en recrutant des pensionnaires qui ne rentraient pas dans ses critères, il se tiendrait à l’écart. Il préfère attendre plutôt que prendre quelque chose qu’il n’aime pas, même pour le principe.
– Alors c’est moi qui l’ai attiré ? souffla Laè en retenant sans le vouloir sa respiration. C’est parce que ça ne me plaisait plus de travailler ici, et que ça faisait de moi une victime innocente ?
– Non, le contredit Mordigann. Et lâche Purr, tu es en train de l’étouffer.
Le Selkie réalisa avec un temps de retard qu’il avait tellement resserré son étreinte autour du loup-garou que ce dernier commençait à avoir du mal à respirer. Confus, il s’empressa de le lâcher, et Purr se blottit contre lui avec un ronronnement léger.
– J’ai reçu une lettre de lui bien avant que tu ne commences à refuser des clients. Il n’aurait jamais pu le savoir. Non, c’est quelque chose d’autre qui a dû le faire réagir. Quelque chose d’extérieur à la maison.
– On pourrait découvrir quoi, proposa Inari.
Il matérialisa dans sa main la lame de son katana. Mordigann haussa les épaules.
– J’ai déjà essayé. Mais ça n’a rien donné.
Elendil poussa un reniflement dédaigneux, croisant les bras comme pour contenir son agacement.
– C’est pas la peine. À moins que le roi des fées en personne débarque avec la solution dans sa cape, je doute qu’on puisse le découvrir.
Purr eut soudain un sursaut, et s’agita dans les bras de Laè, attirant l’attention des autres pensionnaires.
– Eh, attendez, dit-il en écarquillant les yeux. Où est passé Flocon ?
Il s’attira aussitôt des attentions surprises et des regards incrédules. À quatre pattes sur le plancher, Purr souleva la bouteille dans laquelle ils avaient enfermé la fée pour la secouer dans tous les sens.
Elle était vide.



Une bestiole ailée vint flâner un peu trop près de la tête de Nox, qui la chassa d'un geste de main agacé.
Il se croyait de nouveau tranquille quand il sentit tout à coup quelqu’un s'assoir sur lui. Quelqu'un de très léger pour sa taille.
Il ouvrit un œil agacé, avant de froncer les sourcils.
La fée s'était perchée sur lui avec un lumineux sourire, du genre qui lui donnait envie de le lui faire ravaler.
Comment est-ce qu'il s'appelait, déjà ? Verglas ?
–  Qu'est-ce que tu veux, toi ? L'autre fois t'as pas suffi ?
S'il avait oublié son prénom – Grésil, alors ? – il se rappelait beaucoup mieux de son irruption dans la chambre d'Aello, alors en pleine partie fine avec lui. Et des deux petits tentacules qui avaient suffi à le satisfaire avant qu'on ne les interrompe, à peine quelques minutes après. Il avait cru comprendre que depuis lors, les autres le gardaient enfermé dans son bocal pour l’empêcher de commettre d’autres bêtises avec le terrifiant croque-mitaine.
Rien de très intéressant pour lui. Il fut tenté de s'enrouler dans le hamac pour le faire basculer par terre.
Du bout de l'index, la fée retraça le sillon qui traversait les muscles de son torse, jusqu'à atteindre son aine et flatter la fermeture de son pantalon. Nox le toisa avec un rictus.
– T'en reveux, c'est ça ?
Flocon secoua la tête, et se pencha en avant jusqu'à frôler son oreille.
Il y murmura quelques mots, qui arrachèrent à Nox un sourire torve.
– Ça, j'en doute. Mais si tu insistes....
Les yeux de Nox tombèrent sur le tour de cou en soie qui entourait sa gorge fine. Il souleva la breloque qui pendait, et eut comme une illumination.
– ... Pari tenu, Flocon.

Flocon le conduisit dans son palais de glace. L’air frais gifla Nox quand la porte s’ouvrit, et il ne put retenir un sifflement admiratif. Le plafond de cristal s’élevait très haut au dessus de leur tête, une cathédrale dont les piliers et les croisées d’ogives étaient entièrement faits de glace brillante. Flocon le conduisit sans hésiter vers le fond de la salle. Pas de lit ni de peau de bête, mais un immense fauteuil de cristal, au sommet de quelques marches. Le dossier de glace sculptée se confondait avec le mur. Il faisait pourtant assez bon, une fois le premier choc passé, et Nox était surpris de ne pas frissonner de froid.
La fée ne l'avait pas conduit là pour le faire visiter. Flocon ne perdit pas de temps et le poussa sur le trône, pour mieux tomber à genoux devant lui et aller à l'essentiel. Sa braguette.
Le rire de Nox résonna longtemps entre les murs de glace. Il s'installa confortablement sur le trône, plus accueillant qu'il n'en avait l'air, et agrippa à pleine main les accoudoirs glacés. Il ne comprenait pas pourquoi ils étaient tous si pressés de s'agenouiller devant lui. Peut-être pour donner une fausse impression de soumission ? Pourtant, Nox ne connaissait pas de façon plus sûre d'assurer sa domination sur quelqu'un que d'enfouir la tête entre ses cuisses. Mais il adorait se montrer docile envers eux.
Flocon massait son entrejambe, réveillant la chaleur enfouie dans son corps, faisant gonfler son aine de désir. Il ne fallut pas longtemps pour que ses doigts frais ne s'engouffrent sous son pantalon et ne se posent sur sa hampe. Pas plus qu'il ne portait de vêtements sous sa veste en cuir, Nox n'avait pas de sous-vêtements sous son pantalon.
Flocon pressa d'abord la pulpe de ses doigts sur sa peau sensible, avant d'approcher sa langue râpeuse pour le recouvrir d'une ample caresse.
Nox calla son dos contre le dossier pour mieux savourer. Les tentacules jaillirent tous seul de l'aura noire qui l'entourait. Ils étaient dotés d'une vie propre, et avaient tendance à prendre leurs propres décisions. Ils décidèrent tout seul de filer sous les replis des vêtements de la fée pour la dévêtir à la hâte. Ils s'enroulaient autour de ses membres en s'enfonçant dans la peau tendre. Mais lorsque l'un d'eux s'approcha des ailes brillantes de Flocon, un nuage de poussière de fée en jaillit soudain. La décharge remonta si violemment les tentacules que Nox en ressentit les picotements. Il grimaça aussitôt, alors que les appendices s'affolaient.
Il ne ressentait pourtant pas vraiment les sensations qu'ils éprouvaient. Seulement les plus violentes.
La douleur avait été dissuasive.
Flocon le regardait avec un sourire malicieux, le regard brillant de défi, et Nox ricana.
– D'accord, d'accord. Je les rentre si tu ranges aussi tes ailes. Ça te va ?
La fée parut hésiter, mais les ailes de papillon sur son dos disparurent dans une explosion de paillettes qui les éclaboussèrent tout autant que le sol autour d’eux. Nox retint de son mieux son air dégouté tandis que les tentacules reculaient à toute vitesse.
Satisfait, Flocon lui jeta un petit regard malicieux, avant d'aventurer sa langue sur toute la longueur de sa hampe.
La sensation aida Nox à se détendre. Le picotement cessa, remplacé par le contact chaud et rugueux de la langue de Flocon. Il le dégustait avec un appétit indécent, mais il n'en attendait pas moins de lui.
Flocon serra la base de son membre entre ses doigts, pour cajoler son frein du bout de la langue. Nox crispa les doigts sur les accoudoirs, exhalant un soupir satisfait. Les ondes de plaisir remontaient à travers son échine, couvrant sa peau de chair de poule. Il ne ressentait plus du tout le froid de la pièce. À ce rythme, il allait faire fondre le trône de glace.
L'excitation de Flocon devenait visible. Les yeux tantôt levés vers lui, tantôt concentrés sur ce qu'il faisait, ses prunelles devenaient de plus en plus brillantes et de moins en moins farouches.
Il fit mine de l'avaler, un très court instant, et ce fut comme si une fournaise s'ouvrait devant Nox alors que son gland devenait prisonnier de la moiteur de sa bouche.
Flocon l'entoura étroitement pour l'engloutir profondément dans sa gorge. Il se recula presque aussitôt après, les lèvres serrées autour de son membre désormais brillant de salive.
Nox réalisa à peine qu’il était en train de fendiller les accoudoirs. Amusé, Flocon se lécha les babines et pressa sa joue contre le bout rougi se son membre. Le contact était aussi doux qu'électrique et Nox en tressaillit de plaisir.
Alors, la fée lui fit détacher un par un les doigts des accoudoirs, et retira les piques à cheveux qui retenaient ses boucles indigo. Avec sa permission, Nox y enfouit les doigts avec délice. Flocon avait l'air de réclamer qu’il lui tire la tête en arrière tandis qu'il avalait son sexe dressé. Il ne se fit pas prier pour exaucer son souhait, grondant de plaisir alors que la bouche de la fée l'enfournait de nouveau.
Nox serra entre ses doigts les longues mèches roses et bleues. Autour de lui, les tentacules s’affolaient, aussi fébriles que le croque-mitaine. Ils tremblaient d’envie et suintaient de désir, si bien que, timidement, ils finirent par s’approcher. Flocon les dissuada d’abord d’un regard glacé, mais finit par refermer les paupières en voyant que les appendices restaient modérés dans leurs envies. Presque timidement, ils glissèrent dans les voiles vaporeux de son pagne pour le lui défaire, ne faisant d’abord que frôler sa peau. Et puis Flocon en empoigna un pour le serrer dans sa paume. La vue amusa Nox, presque autant qu’elle l’émoustilla quand Flocon commença à presser l’organe d’obsidienne contre son aine. Son érection surgit quand les tentacules firent tomber complètement ses vêtements, et Flocon gémit de plaisir contre le membre chaud qui emplissait sa bouche.
Les tentacules se contractèrent de désir, frustrés par le plaisir qui gagnait Nox, et dont ils ne percevaient que des bribes. Lui-même ressentait comme une sensation de vide. C’était très rare qu’il soit le seul à profiter, et c’était perturbant de ne pas sentir de décharges électrique remonter en lui à travers les appendices.
Flocon dut en prendre conscience. À moins que sa propre envie ne prenne le dessus ? Il relâcha un instant Nox pour fixer les tentacules qui s’agitaient autour d’eux. Puis en attrapa un pour le gratifier d’un coup de langue aussi joueur que gourmand, avant de retourner s’occuper de Nox. Mais il creusa les reins, comme une invitation pour les tentacules, qui n’en demandaient pas tant.
L'un d'eux se pressa contre la peau fine de ses reins, épousant la cambrure de son corps pour mieux se frotter contre sa croupe. Flocon échappa un petit soupir comblé. Puis rouvrit les paupières pour sembler lui offrir son consentement. Les tentacules n'attendaient que ça. Un liquide épais commença à suinter de leur extrémité, lubrifiant abondamment les fesses rebondies de Flocon, émoustillant l'entrée de son corps jusqu'à ce que la fée se tortille de plaisir.
Il laissa reposer le gland de Nox contre sa langue, haletant. Son regard le défia, un court instant.
Nox comprit vite ce qu'il demandait et empoigna ses cheveux indigo pour s'enfouir à nouveau entre ses lèvres de velours.
Flocon étouffa un gémissement satisfait qui se répercuta contre sa hampe. Nox en gronda de plaisir, terriblement excité de le voir apprécier autant le garder dans sa bouche.
Son désir monta encore d'un cran lorsqu'il sentit la fée se tendre et serrer les lèvres autour de lui. Un tentacule venait de s'enfoncer en lui dans un long bruit mouillé.
Nox pouvait sentir l'étroitesse de son corps et sa croupe qui se tortillait autour du long membre turgescent. Les sons étouffés qu'il poussait encourageaient le tentacule, qui se mit à marteler ses reins avec une ardeur rare. Flocon releva vers Nox un regard transi de désir avant de saisir son sexe brillant de salive pour mieux l'engouffrer dans sa gorge. Nox chassa sa frange pour dégager le visage de la fée, le sourire satisfait. La chaleur coulait en lui et engourdissait ses muscles, électrisait son aine. C’était merveilleux d’être prisonnier de cette bouche humide.
Flocon s'empalait de lui-même sur le tentacule qui lui ravageait les hanches. Son bassin remuait de plus en plus vite et Nox voyait de la vapeur brillante commencer à flotter autour d'eux. La glace chargée de poussière de fée était en train de fondre, de même que sa résistance. Son sexe pulsait contre la bouche délicieuse de Flocon, qui l'avalait presque tout entier à un rythme indécent.
Le tentacule éclata brusquement, comme un fruit trop mur qui rependit son jus entre les cuisses de Flocon. La fée écarquilla les yeux et poussa un cri d'extase, s'accrochant aux cuisses de Nox, secoué par les spasmes de l'organe qui se rependait abondamment en lui. L’appendice avait l'air de se libérer pour tous les autres. Pour exciter Flocon au point de laisser le reste des tentacules venir ?
Nox s'en moquait bien. Le tableau érotique lui fit serrer les dents de frustration. Il sentait son cœur cogner contre ses côtes, secoué par le plaisir intense au bord duquel il se tenait.
Flocon le regarda avec gourmandise, serrant la base de son membre pour retenir sa jouissance, le temps de darder sa langue sur toute la longueur de son sexe.
Il lapa son frein un long moment avant de venir cueillir des perles de plaisir au bout de son gland.
Nox le poussa de nouveau en avant, et maintint sa tête contre lui en donnant de lents coups de rein, s'enfonçant entre ses lèvres. Flocon s'empara de ses testicules contractés pour les faire rouler entre ses doigts, recommençant de lui-même à le sucer en faisant d’amples mouvements de tête.
Presque timidement, deux tentacules s'élevèrent et se frottèrent contre les cuisses de la fée, puis entre ses fesses, jusqu'à ce que des gouttes blanches commencent à couler au bout des organes noirs. L'un d'eux fila alors s'enrouler autour sexe de Flocon, qui couina de plaisir malgré sa bouche pleine. L'autre gonfla, jusqu'à prendre la forme d'un sexe aux veines gonflées, dont il pressa longuement le gland contre l'intimité de Flocon. Il le transperça de nouveau, faisant vibrer de plaisir le corps de la petite fée, qui recommença à se déhancher sur l'organe imposant. Le tentacule butait profondément en lui, à grande poussées brusques, lui arrachant d'autres gémissements qui se répercutaient jusque dans le sexe de Nox qu’il gardait enfoui au fond de sa gorge. L’appendice gonflé le pilonnait avec frénésie, dictant les mouvements des lèvres de Flocon autour du membre de Nox.
Brusquement, Flocon se cambra un peu plus et enfouit les ongles sans la chair de ses cuisses. Ses yeux se révulsèrent un court moment et Nox le vit se tendre alors que le plaisir le foudroyait. Quelques gouttes retombèrent sur le sol gelé, et Flocon, échevelé, recommença presque aussitôt à avaler son membre, encore secoué par les spasmes de son orgasme. Il s'était brusquement contracté autour du tentacule, Nox pouvait le sentir par une lointaine sensation. Il n'en fallut pas plus au second tentacule pour accélérer brusquement et le pilonner si vite qu'il en faisait tressauter sa croupe offerte. L’organe sembla se gonfler un court instant, et rependit à son tour le fruit de son orgasme aux creux des reins brûlants de flocon, encore humides et luisant du premier jet de sperme.
Nox ressentit l'onde de choc, lui qui savourait la scène avec un plaisir renouvelé. Il le sentait bouillonner dans son aine et dans ses veines, consumé de l'intérieur. N'en pouvant plus, il agrippa plus fort les cheveux de Flocon. Ce dernier dut sentir les muscles de ses cuisses se tendre sous ses doigts et compris le message.
Il lui coula un regard plein d'extase et ouvrit plus grand les lèvres.
Le sexe de Nox tressaillit et l'onde de choc le traversa aussitôt, le faisant gronder de satisfaction. Il se libéra en inondant sa bouche, la main crispée dans ses cheveux pour l'inciter à avaler. Il avait bien compris que Flocon n'avait pas l'intention de reculer, et le sentit accueillir sa semence sur sa langue avec un ronronnement satisfait.
Nox bascula la tête en arrière, le souffle court.
Il se sentait étrangement... Fatigué. Il aurait dû au contraire bénéficier d'un regain d'énergie. Encore engourdi par l'extase, il chassa de nouveau en arrière la frange indigo de Flocon qui avait entreprit de nettoyer sa hampe à coups de langue gourmands, incapable de lâcher si vite l'objet de ses attentes. Son regard bleu était étonnamment pétillant.
Appuyant la tête contre sa cuisse, il lui jeta par en dessous un regard énamouré.
Nox lui caressa les cheveux avec un rictus amusé.
– Je vois. Tu me voles en chaleur humaine… ce que je te prends en énergie.
Une nouvelle onde de désir lui traversait déjà l'échine. D'excitation, aussi, mais pas seulement sexuelle. C'était la première fois qu'il mettait la main sur un appétit aussi développé que le sien. Il avait bien envie de voir qui des deux craquerait le premier. C’était bien là la teneur du défi qui les avait conduit là.
« Je te parie que je te dévorerai le premier. »
Flocon était toujours en érection. Aux pieds du trône de glace, il se caressa devant lui, le regard avide, avant de se retourner et tomber à genoux pour lui présenter sa croupe, d'où perlaient les gouttes sucrées du fluide de ses tentacules. Sa peau ressemblait à une opale laiteuse, sur le sol couvert de glace et de poussière de fée.
Le sourire carnassier, Nox n'eut pas le cœur de lui refuser pareilles avances. Sa propre érection avait déjà repris une taille impressionnante, galvanisée par l'énergie qu'il avait prise à la fée lors de son orgasme.
Il s'agenouilla lui aussi sur le sol de glace, enfouit les doigts dans la chair tendre de ses fesses et se pressa contre elles, rependant la semence brillante le long de sa peau satinée.
Quand il pénétra enfin, d’une longue poussée, il eut l'impression que le corps de Flocon l'avalait. Il était d'une étroitesse délicieuse, plus doux que tout ce qu'il avait déjà connu.
Ça allait être un plaisir de le ravager.
Flocon lui jeta un regard langoureux, la joue appuyée sur le sol et les reins creusés pour mieux s'offrir à lui. Un tentacule se présenta bientôt pour lui occuper la bouche, qu’il engloutit en rosissant de plaisir.
Nox esquissa un sourire et commença à le marteler de puissants coups de reins, se gorgeant du bruit délicieux que faisait sa hampe en glissant dans son corps, oubliant même les bruits étrangers qui résonnaient entre les murs du palais de glace.
Ils en avaient encore pour des heures avant que le jeu ne s’arrête.


– Flocon n’était pas dans sa chambre, rapporta Purr avec une pointe de panique dans la voix.
Derrière lui, les autres pensionnaires eurent diverses réactions d’inquiétude. Orcus en déduisit qu’ils n’avaient pas trouvé Nox non plus.
– Fouillez toutes les pièces de la maison, ordonna Mordigann. Ils peuvent être n’importe où.
Elendil se tenait près de lui, les lèvres pincées pour se retenir de parler. Dès que les autres furent dispersés dans les couloirs, il ne retint plus ses questions.
– Ça fait presque une heure qu’ils sont ensembles. Tu penses vraiment qu’ils vont les retrouver ?
Mordigann ne lui jeta qu’un regard en coin.
– Non. Je les ai envoyés sur une fausse piste, avoua Mordigann en sortant une clef de sa poche.
Elendil n’eut même pas l’air surpris. Il se contenta de jeter un vague regard derrière eux, pour s’assurer qu’on ne les suive pas, avant de s’engouffrer derrière lui. Mordigann entendit aussi le chuintement distinct de la fumée de Driss, qui les rejoignait. Il se matérialisa près d’eux drapé dans un kaftan.
– Tu sais où ils sont, n’est-ce pas ? demanda-t-il en se plaçant à la hauteur d’Elendil.
Mordigann se contenta de hausser les épaules. Il n’avait aucune envie que ses pensionnaires tombent sur Nox et ne provoquent un énième incident.
– Flocon est une fée des neiges. Il a besoin de froid pour absorber la chaleur humaine.
Elendil et Driss échangèrent un coup d’œil synchrone.
– Le palais des glaces ? On a toujours cette chambre ?
Driss en grimaçait de dégoût. Elendil, lui, feignait plutôt la surprise, mais Mordigann savait qu’il lui était arrivé de jouer les divas glaciales en emmenant des clients dans cette pièce. Pour affronter l’énergie vorace d’un croque-mitaine, c’était le meilleur choix que puisse faire Flocon.
Néanmoins, Mordigann ne pouvait s’empêcher de ressentir un étrange sentiment d’empressement à mesure qu’ils approchaient. La peur de ce qu’ils allaient bien pouvoir trouver ? Quoiqu’il en soi, c’était une bonne chose d’avoir réussi à envoyer les autres au loin.
Il y avait des flaques sur le plancher et du givre sur l’encadrement de la porte. Elendil poussa un son inquiet, Driss sortit son épée, et Mordigann glissa la clef dans la serrure gelée.
La porte s’ouvrit d’elle-même avant qu’il ne puisse tourner la poignée. Nox apparut dans l’encadrement et marqua un temps d’arrêt, comme surpris de les voir là tous les trois, alors qu’il s’apprêtait visiblement à quitter la pièce.
– Oui ? demanda-t-il après un petit temps de silence.
Mordigann gronda à son encontre.
– ¬Où est Flocon ?
Visiblement loin de se sentir inquiété, Nox se contenta de les jauger d’un regard vaguement ennuyé. Il s’adossa au chambranle de la porte, comme pour les empêcher volontairement de voir ce qu’il se passait à l’intérieur de la pièce. Il était torse nu, et avait renfilé avec désinvolture son pantalon de cuir noir. Une lourde odeur de sexe lui collait à la peau, malgré le frais parfum de la glace qui s’échappait de la chambre.
– Vous voulez parler de ce qu’il reste de lui ? dit-il avec un sourire torve.
Cette fois, Mordigann montra les crocs, et même Driss fit un mouvement en avant, devançant celui d’Elendil. Sans se démonter, Nox se contenta de rouler des yeux et de se redresser souplement pour les laisser regarder à l’intérieur.
– Il est là, où voulez-vous qu’il soit ? J’allais juste nous chercher de quoi manger.
Nu comme au premier jour, Flocon les observait, alangui sur le siège du trône de glace. Les jambes passées par-dessus l’accoudoir, sa peau semblait recouverte d’une substance nacrée qu’aucun des trois visiteurs ne voulut nommer.
La scène ressemblait très vraisemblablement à pause bienvenue au milieu d’un marathon sexuel intense.
– On dirait que vous vous entendez bien, observa Mordigann d’une voix placide.
– Entre personnes de goût, on se comprend, répondit Nox avec mordant. Je ne peux pas en dire autant du reste de ta petite troupe.
Mordigann sentit Driss et Elendil se tendre derrière lui, piqués à vif par la remarque. Il les dissuada d’agir d’un bref regard en coin. Nox les observait d’un air ennuyé, l’air agacé de devoir perdre son temps avec eux alors qu’une fée insatiable attendait son retour. Ce qui ne l’empêchait pas d’être aussi désagréable qu’à son habitude.
– Vous étiez en train de vous inquiéter pour lui, pas vrai ? C’est trop mignon. Mais je ne vais pas le manger tout de suite…
Il dévisagea Mordigann de haut en bas, d’une manière qui n’inspirait rien de bon, puis inclina la tête avec un sourire torve.
– En fait, ça m’ennuie de te faire plaisir, mais c’est Flocon qui est le moins casse pied de tous tes pensionnaires. Je crois bien que c’est lui que je vais choisir.
Il avait lâché ça d’un ton agacé, comme s’il était pressé de se débarrasser d’eux pour pouvoir reprendre de plus plaisantes activités. Mordigann en fut tellement abasourdi qu’il en écarquilla les yeux.
De la part de son frère, il s’attendait à tout sauf à cela. Sous le coup de la surprise, il dit sans réfléchir la première chose qui lui passa par la tête.
– Tu es sûr de ton choix ? Tu n’es là que depuis quelques jours.
Il ne réalisa la stupidité de sa propre question qu’en sentant le pied d’Elendil tenter de lui écraser le talon. Fort heureusement, Nox ne remarqua rien, occupé à bâiller sans la moindre distinction.
– Tu devrais l’inscrire en bas du contrat alors, suggéra Elendil d’une voix doucereuse. Flocon est un pensionnaire et tu n’es pas vraiment un membre. Ça régulariserait la situation.
Comme s’ils avaient quelque chose à faire de ce genre de considérations, d’habitude. Les pensionnaires batifolaient avec qui ils voulaient, quand ils voulaient, contrat ou pas. Mais Mordigann ne laisserait pas passer cette occasion.
– Il a raison, s’empressa-t-il de renchérir. Si tu ne veux pas que les autres viennent te déranger tout le temps pour essayer de… le sauver, tu devrais marquer tout de suite que tu réclames Flocon comme premier paiement décennal.
D’un geste, il fit venir à lui le contrat signé des années plus tôt de sa main propre et de celle de son frère. Une coulée d’encre noire suinta hors du mur pour déposer le document dans sa paume.
– Ensuite, tu seras libre de lui faire tout ce que tu veux. Les autres seront obligé de te laisser en paix.
L’argument paru convaincre Nox, qui n’avait visiblement aucune envie de devoir affronter le courroux des autres habitants de la maison. Flocon poussa un gémissement ennuyé dans leur dos, volontairement sonore pour attirer leur attention. Cela acheva de convaincre son nouvel amant.
– D’accord, d’accord. Passe-moi ce fichu papier.
Des lianes noires se faufilèrent entre eux pour soutenir le contrat. Nox mordit son index entre ses dents pointues, et de la pointe de l’un de ses tentacules, il ratifia le document avec son propre sang en guise d’encre.
– Voila. Autre chose ?
Il les toisa en arquant un sourcil, pressé de revenir à ses activités. Mordigann s’empressa de reprendre le contrat, qu’il vérifia d’un coup d’œil avant de le rouler avec soin.
– Non. Retourne avec Flocon, je vais vous faire porter de quoi manger.
Nox étira un sourire satisfait. La proposition avait l’air de lui plaire. Assez, en tout cas, pour effacer la mauvaise grâce qu’il avait affiché en signant le contrat.
– Je compte sur toi pour qu’on ne nous dérange plus, Orcus.
L’intéressé s’inclina avec déférence, comme il l’aurait fait devant un estimé client. Comblé, Nox les toisa d’un regard moqueur avant de claquer la porte.
Ils la fixèrent un moment, partageant sans doute la même sensation d’ébahissement. Et puis Mordigann fit craquer sa nuque, s’autorisant à souffler pour évacuer la tension nerveuse qui nouait ses muscles. Il avait très envie de s’enfermer dans son bureau avec Elendil pour relâcher la pression.
Il n’arrivait pas à croire qu’il s’était débarrassé de Nox. Aussi facilement que cela. Il avait passé des mois à échafauder des plans divers pour le tenir à l’écart, et voilà qu’en moins d’une heure, une fée lubrique venait à bout du casse-tête insurmontable que représentait son frère.
Mordigann, sans cesse taraudé par la faim, n’était pas habitué à ressentir une telle sensation de soulagement. Le poids qui pesait sur ses épaules depuis des semaines venait de s’envoler en moins d’un instant, comme un flocon de neige emporté par le vent.
– Ce n’est qu’un répit, souffla nerveusement Driss. Il reviendra dans dix ans.
Mordigann et Elendil se tournèrent vers lui d’un même mouvement, affichant probablement le même regard blasé. Ce fut l’elfe qui parla le premier, comme effaré que Driss puisse seulement redouter la moindre chose à ce sujet.
– Tu crois vraiment que dix ans lui suffiront pour se débarrasser de Flocon ?



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